LES ARTS EN VILLE

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5.1.09

Quand Google juge l'histoire par un "clic", par Augustin Besnier

Extraits d'un article: Point de vue, pour le lire en entier, lien avec le titre.

Le 19 novembre 2006, le magazine Life mettait en ligne deux des quelque dix millions de photographies contenues dans ses collections, en partenariat avec Google qui en assure l'hébergement. L'opération, qui vise une publication complète du fonds début 2009, est en elle-même peu contestable. D'une part, le processus même des prises de vue impliquait une diffusion médiatique, puisque les photographies étaient destinées à être publiées et acquéraient de ce fait le statut de documents, et, d'autre part, supposait une réception multiple et individuelle, tout individu pouvant se procurer et conserver un exemplaire du magazine.( ...)

Dénué de toute finalité apparente, le geste évaluatif vaut pour lui-même. Selon un barème prédéfini (allant d'une étoile pour signifier que nous détestons l'image à cinq étoiles signifiant que nous l'adorons), nous énonçons d'un clic un jugement de valeur, sans critère ni justification. Or que juge-t-on au juste ? La valeur esthétique de la photographie ? Son intérêt journalistique ? Ou bien est-ce l'événement, d'après le caractère informatif de ces images ? (...)

La substitution du discours libre par l'évaluation muette est une tendance qui semble s'emparer de nos médias. L'esthétisation de la politique que Walter Benjamin dénonçait en 1935 trouverait alors son pendant moderne : en donnant ici à l'internaute le pouvoir de noter tout en lui retirant celui de commenter, on opère un glissement de l'événement photographié, qui pourrait être discuté, à la photographie d'événement qui ne peut être qu'évaluée. Par cette dérivation de l'individu-commentateur en internaute-évaluateur, l'histoire passe du domaine politique au domaine esthétique, c'est-à-dire un domaine dans lequel le jugement n'est plus à craindre.

Si l'entreprise de Life reste donc appréciable à bien des égards, nous pouvons craindre que cette exhumation des photographies ne soit une muséification de l'histoire et reflète une tendance à convertir le verbe critique en clic inoffensif.

Pour une découverte de cette photothèque, voir le classeur à Banque d'images

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